«TimssDSit» de Mohamed Elmedlaoui
Après avoir publié plusieurs ouvrages de recherches très approfondies sur la langue et la culture amazighes en tant que questions socioculturelles nationales, Mohamed Elmedlaoui s'attaque à la poésie berbère et vient de sortir, récemment, son livre Timssdsit.
Un ouvrage en poésie berbère où
l'auteur a abordé une expérience consignée en vers. « Dans tout l'ouvrage, un
seul thème est abordé tout en vers composés sur un seul mètre, le mètre chleuh,
dit ddrst et transcrit en graphie latine. Le texte est articulé en treize
sous-titres, donnés pour servir de "soupirs de vocalise" au lecteur
», explique Mohamed Elmedlaoui qui a employé comme notation de textes les
conventions orthographiques qu'il a adoptées en 1999, utilisant les principes
d'orthographe berbère en graphie arabe ou latine. Son travail laborieux, d'une
dizaine d'années, sur la métrique de la langue berbère lui a permis de devenir
un vrai versificateur pouvant fabriquer une pièce en vers sur commande et avec
une garantie certifiée de justesse métrique. D'où l'importance de cet ouvrage
du point de vue métrique. «Toutes les marques diacritiques nécessaires sont
pleinement notées (emphase, labialisation, etc.). Là où la justesse du mètre
exige une contraction ou une assimilation, la prononciation phonétique est
donnée sous la suite en question. Le texte de l'ouvrage est en vers oscillant
entre le cérébral et l'expressif où j'ai annoté moi-même certains vers »,
précise-t-il.
Sur le plan du registre linguistique, les éléments du lexique, de la syntaxe,
des catégories conceptuelles, rhétoriques et stylistiques, qui véhiculent le
sens du texte, ont tous été sciemment puisés de la langue Tashlhiyte. « Rien
n'y est aussi banni. Ces distorsions épileptiques par lesquelles certains
esprits coincés cherchent, coûte que coûte et à prix de barbarismes néologiques
monstrueux, à épurer la langue de sa "récolte historique" et de son
"butin" en emprunts assimilés, grâce à quoi elle a pu digérer les
éléments des vicissitudes de l'histoire et se maintenir en vie, contrairement à
ce que risque de produire la politique d'asphyxie actuelle que la pathos
populiste a réussi à ériger en ethos », affirme M. Elmedlaoui. Et d'ajouter que
pour la forme, il y a certes un côté ludique derrière ce cocktail linguistique
qui caractérise le texte ainsi que derrière ces jeux de concordances
transculturelles d'idées qui l'émaillent à travers des notes multilingues de
bas de pages (un autre aspect insolite et iconoclaste).
Mais c'est là également une chose significative voulue en tant que témoignage
d'un fait culturel riche et diversifié qui n'est pas nouveau et que des voix
totalitaires de tout bord cherchent à niveler et à aplatir dans un sens ou dans
un autre. En plus de certaines intertextualités multilingues ponctuelles (en
arabe, en français ou en hébreux) dans le texte poétique principal, il n'y a pas
moins de 133 notes de bas de pages en plusieurs langues (berbère, français,
arabe, anglais et hébreu, selon le cas) à travers lesquelles le texte principal
tisse des dialogues dans plusieurs sens avec les Ecritures (Coran, Bible,
Evangiles), la poésie arabe (Zuhair, Abu Tammam, Al-mutanabbi, etc.), la poésie
berbère (Amntag, Azâriy, Tabaâmrant, etc.), la pensée occidentale (Nietzsche,
Schopenhauer, Shakespeare, etc.) et autres. En conclusion, l'auteur sous-titre
son dernier paragraphe de "ufuy", systématisant ce dialogue en un
style dit "matruz" où alternent vers berbère et vers en malћun
marocain sur le même mètre berbère, ddrst, qu'il a reproduit et doublé d'une
notation en graphie arabe pour le cas où les segments à diacritiques ne
s'affichent pas correctement dans la notation latine.