L’anthologie de la famine"laz" et l’impact de l’émigration à partir du roman amazigh Ijjigen n tidi
L’anthologie
de la famine"laz" et l’impact de l’émigration à partir du roman
amazigh Ijjigen n tidi
Écrit par Lahoucine Bouyaakoubi -Anir-
L‘écrivain Mohammed Akunad vient de publier son deuxième roman en
amazigh «Ijjigen n tidi» (Les fleurs de la sueur). Dans un style à la fois
épuré et proche du quotidien (l’ère tachelhit), l’auteur fait preuve d’une
créativité et d’une imagination débordantes. Il consolide ainsi les fondements
d’une littérature romanesque contemporaine écrite en amazigh marocain . Si son
premier roman «Tawargit d imik» (Un rêve et un peu plus), avait traité avec
beaucoup d’originalité la question de la hiérarchie des langues au Maroc et sa
relation avec le champ religieux à partir de la position « étrange » d’un clerc
amazigh qui avait décidé de prêcher dans sa langue maternelle, ce second
ouvrage embrasse d’autres thématiques sociales, économiques et politiques dont
souffre l’être humain dans un monde rural des plus âpres. Les événements de ce
roman se déroulent dans les années soixante et soixante-dix marquées par les
premières vagues migratoires vers l’Europe dans un village amazigh nommé Akuban
situé au fin fond du Souss, région du Maroc que la terminologie coloniale
qualifiait d’« inutile ». On n’est pas sans savoir que les revenus que ces
émigrés enverront au pays insuffleront des changements sociaux et économiques
d’une grande ampleur dans la région. Malgré la description sommaire que donne
l’auteur du lieu où se trame l’action, quelques passages nous aident à
esquisser le cadre général. Il s’agit d’un village extrêmement pauvre,
marginalisé et isolé du monde dans lequel prévalent des rapports d’exploitation
des plus bruts qui enferment les habitants dans une relation de domination
forgée par le statut social de chacun. Mais au-delà de la rudesse des
conditions de vie, il n’en reste pas moins que tous ces villageois restent
profondément attachés aux valeurs de dignité, de courage et cultivent un sens
de l’honneur le plus acéré. Dès lors, le roman se présente sous la forme d’un
retour en arrière. Le personnage principal Askwti se voit affublé du nouveau
nom de Taryyalt après son retour de France où il a passé la plus grande partie
de sa vie. Il se rappelle tous les grands moments qui ont jalonné son parcours.
Il se remémore son village, sa famille, ses souffrances, ses aventures et sa
vision des choses. Le départ en France lui a permis d’évoluer socialement tout
comme ont pu le faire ceux qui ont suivi le même parcours. Le pauvre berger
qu’il était – exploité par Bihi n tdwwart, son maître – est devenu l’une des
personnalités les plus riches du village. Son histoire personnelle va alors le
suivre durant toute sa vie. Autre personnage important, Mougha est
l’entrepreneur français responsable de l’envoi en France de milliers de
Marocains venus travailler le plus souvent dans les mines. Ces derniers qui
gardent des souvenirs impérissables de cette période se remémorent tout
particulièrement les critères qu’il mettait en œuvre pour trier les candidats à
l’émigration.
Mougha regarde les épaules, vérifie le
dos, écrase tes muscles et te demande d’ouvrir la bouche pour voir tes dents et
te dit. Montre ta langue, inspire, tousse ...!!! Il examine tout. Si tu n’as
pas de chance, il t’exclue d’un simple geste. Bref, le test de Mougha est une
souffrance : "Je veux des braves hommes et non pas des jeunes mariés"
.
[ Da yzerra Mugha tighallin,
taghwmiwin, tadawt, da yttams ighariwn, timzadin, irzem-ak imi, izr-nn uxsan,
inna-yak zzl-d ils, sggunfs, ttusu... da nn-ittagwa ku mani, igh k-ur-yari
Rebbi, da ismussu mqqar d adad! urTammara ad iga Mugha ! Wanna igan amctil
La famine comme cauchemar permanent
Certes ce deuxième roman de Mohammed Akunad évoque
plusieurs thèmes liés essentiellement à la vie rurale au Maroc. Mais la famine
(« Laz » en amazigh) constitue l’élément central autour duquel se trament
d’autres sujets plus complexes. Ce monème ainsi que ses synonymes et ses
différentes dérives (laz, aghwni, imlluzza, adis, adan ...) sont employés à eux
seuls près d’une centaine de fois tout au long du roman. Ce « laz » ne renvoie
pas seulement à la pauvreté et au manque de nourriture mais marque plutôt un manque
à tous les niveaux. Il constitue en ce sens un prisme qui produit une vision du
monde sous lequel la justification d’un certain comportement peut conduire
jusqu’à la perte de la dignité de l’être humain.
« Celui qui a faim ne peut pas se sentir comme un être humain »
[« Igh ur ta tjjawnt, ur ad tsyafat is tgit afgan » (page 11, ligne 21)]
concède le romancier. La situation du Maroc post-colonial se trouve ainsi
résumée notamment dans le monde rural. Après des années de résistance contre
l’occupation française, ces régions, généralement amazighophones, se trouvent
délaissées, marginalisées et privées de tout programme de développement
économique.
Si l’arrivée de Mougha va permettre la survie d’une population laissée à
l’abandon, elle provoque également un choc. Les réactions que ce dernier
suscite auprès des villageois reflètent ce paradoxe. Asil, le sage du village
qui est l’un des hommes qui ont refusé d’aller s’inscrire pour émigrer en
France se demande pour sa part comment il se fait qu’on ait pu chasser les
colonisateurs par les armes pour accepter finalement que l’on devienne des
travailleurs à la merci de leurs fils.
« C’est honteux pour nous d’aller
supplier les fils des Français que nos parents ont chassé avec les armes.
Aujourd’hui, ils sont revenus pour nous mépriser et faire de nous leurs
esclaves ».
[« Iga-yagh assergm ad agh-staln tarwa
n irumiyn zud tarwa n waghad gh tmizar-ngh, ssufghn-tn id baba-ngh s ucnyar zg
tmazirt, urrin-d tarwa-nsn, skrn gingh aylli ran. Gan-agh d ismgan d twiwin, ar asn-nssudum ibaciln
»] (page 7, ligne 9).
Mais ce sentiment ne pèse pas lourd devant la
précarité et la pauvreté. Qui plus est, la volonté de vaincre « laz » impose
une autre logique et une autre vision des choses. Quelques années après le départ
des Français, les slogans et les promesses d’une vie meilleure qui avaient
accompagné la lutte pour l’indépendance ne relevaient finalement que du rêve
qui lui-même s’est évaporé. La dure réalité a contraint les Marocains à
chercher d’autres moyens pour subvenir à leurs besoins les plus élémentaires.
L’émigration en France est alors apparue comme la solution incontournable. Si
les uns y étaient opposés par fidélité à la mémoire des ancêtres, les autres y
étaient favorables pour éradiquer « laz » dont l’effet principal était de faire
tout perdre à la personne jusqu’au fond de son humanité. Askwti était lui-même
prisonnier de ces contraintes. Sa candidature au départ ne fut pas bloquée par
Asil. Il sera retenu par Mougha.
« Dieu m’a envoyé Mougha pour me sauver.
Moi je le considère comme mon grand frère, je dirais même plus, c’est un saint.
Celui qui t’a aidé à changer ton statut d’un pauvre berger et méprisé en un
riche du village mérite d’être nommé saint ».
[« Iga mougha d umjjenjem-inw,
iga-t-id g waga ur inqqelen aman, nekk da yas-ttinigh (dadda Mougha!) Agwrram
[...] Agwrram a yga, mqqar iga Arumi !, makh wanna izdarn ad k-id-yall zg ddu
tmsilin n imzlad ar nnig ibrgazn, ur igi Agwrram? »] (page 5,
ligne 18).
En racontant tous ces événements comme autant de souvenirs encore tenaces,
l’auteur nous offre une relecture du parcours de l’émigré. S’il avoue que
Mougha lui a bel et bien donné l’occasion de s’enrichir, il reconnaît dans le
même temps que ce n’est en aucun cas par amour que ce dernier est venu au Maroc
le chercher. En poursuivant son intérêt personnel, le Français servait les
intérêts de son pays qui, en manque de main d’œuvre, n’avait trouvé que ses
anciens colonisés et tout particulièrement les pauvres du Maroc pour travailler
dans des conditions misérables et accomplir ainsi les tâches les plus pénibles
que les Français eux-mêmes refusaient. S’ensuit alors une description par
l’auteur des conditions de vie insoutenables qu’enduraient les Marocains à
l’étranger durant toutes ces années. Ils passent leurs journées sous terre
comme des rats et dorment le soir dans de petites pièces dans la promiscuité la
plus totale. En aucun cas, il ne doivent être considérés comme des touristes
venus visiter
« Elle est doublement dominée. Elle
partage avec nous la souffrance mais elle cumule à son dépens le fait d’être la
serveuse des dominés ».
[« Trza xf snat twal, tdra dingh
tirzi-ngh, tsmun-agh akw trfafant, tzli sis trzi-ns nttat llig tga tawayya n
imrzan »].
Cependant, si cette femme a fait par la force des choses de son corps un « bien
commun », elle a su préserver son humanité. Vers la fin de sa vie, elle s’est
rebellée contre tout le monde, contre elle-même tout d’abord, puis contre sa
famille et contre le pouvoir religieux. Le taleb cherchait en effet à la
contenir dans un statut d’esclave, allant jusqu’à qualifier sa réaction contre
ses maîtres d’anormal. Il la soupçonnait même d’être habitée par les mauvais
esprits. Cette révolte lui permettra d’acquérir un tout autre statut comme le
prouvent les obsèques qu’organisera pour elle le village, cérémonie qui n’aura
rien à envier à celles habituellement destinées aux notables. L’hommage
posthume qui lui était rendu traduisait ainsi tout le respect d’une société à
son égard.
Le premier mariage d’Askwti avec sa cousine organisé par sa mère qui faisait fi
de tout sentiment d’amour entre les deux promis explique également par la force
de « laz » d’enfermer les émotions dans des stratégies individuelles de
réussite les plus désespérées. Tenant compte de la situation difficile de son
fils, sa mère lui impose comme épouse sa cousine, fille d’un riche villageois,
dans le seul but de lui garantir un avenir meilleur. Cette alliance représente
alors pour lui tout ce qu’il exècre comme passé douloureux fait de souffrance,
d’exploitation et de misère. Elle vient briser le désir d’une nouvelle vie
qu’il avait pourtant commencé à ébaucher en France lorsqu’il avait rencontré
Tafrirt tarumit, cette française qui incarnait pour lui l’espoir d’une deuxième
naissance, le désir de la richesse et d’une vie heureuse. Certes dans des
conditions difficiles, « laz » peut conduire l’être humain à s’incliner, à
renier les valeurs nobles des ancêtres. Mais Askwti parvient à se saisir de
tout ce que sa mère, Tufella n Id barud, lui a transmis. Elle reste pour lui le
symbole de la dignité, de la fierté et de l’orgueil, des valeurs qu’elle a
réussi à lui inculquer alors même qu’elle était veuve et qu’elle jouait comme
tant d’autres femmes dans sa situation à la fois le rôle de la mère et du père.
L’émigration, l’argent, le pouvoir et
le changement de mentalités
Le roman décrit avec beaucoup d’imagination les effets de l’émigration sur les
sociétés d’origine. Le retour d’un émigré constitue une vengeance contre
soi-même, une affirmation et une volonté de s’imposer. En ce sens, Askwti
considère son départ en France comme sa deuxième naissance. C’est une
séparation entre deux vies, deux mondes et deux mentalités. Ce désir
s’accompagne d’une volonté d’occulter la première partie malheureuse comme pour
mieux mettre en valeur sa deuxième naissance, celle de l’Europe et de la
richesse. Mais ce désir se heurte à la dure réalité de sa personne car il fait
lui-même partie de cette histoire dont on ne saurait l’extraire de force.
Dès son retour, Taryyalt a néanmoins cherché à s’imposer dans son village. Sa
première action symbolique fut l’achat de la maison d’Aghnnaj, l’ancien caïd du
village au temps de la colonisation. Symbole d’autorité et de tyrannie, cette
grande maison dépasse toutes les habitations du village. Ce phénomène est bien
connu dans les régions à forte émigration. Le fait de posséder une grande
maison revient à s’affirmer comme notable dans la société locale. Elle est le
signe de richesse et de pouvoir, peu importe qu’elle soit ou non habitée. Sa
possession constitue une valeur en soi. Fier de son statut récemment acquis,
Taryyalt donne par ailleurs son avis sur tous les sujets qui concernent le
village. Il prend la parole partout, y compris à la mosquée le lieu privilégié
des notables du village.
« Je jure que je m’imposerai à tous
les niveaux, affirme-t-il, et j’interviendrais sur tous
les sujets »
« Ggulegh ur asn-ttajjagh tardast n
wakal ur disn gis mmedfasegh » (p. 72).
Il ose poser des questions au clerc et même contredire ses propos. Mais tout
ceci ne va pas sans susciter des réactions. L’assistance n’hésite pas à lui
renvoyer son mépris le plus grand. Plutôt que débattre, elle lui rappelle son
origine de « berger ignorant ». Dès lors, Taryyalt doit admettre qu’il ne
s’entend plus avec les gens du village. Déjà, depuis qu’il s’en était allé en
Europe, il avait acquis une autre vision des choses. La seule personne avec
laquelle il partageait les idées était Amanuz qui émigrera bien avant lui en
France pour finir ses études. Imprégné des idées de démocratie et de
changement, Amanuz était devenu dès son retour au village un opposant qui
cherchait à bouleverser les choses. Askwti avait compris qu’il était nécessaire
de connaître
Cette attitude de la société envers Askwti est en soi significative. C’est
effet son propre entourage qui a remplacé son premier pseudonyme « Askwti » qui
référait à son statut de pauvre berger par celui de « Tarryalt » qui convenait
mieux à son nouveau statut de riche. Askwti se trouve en fait partagé entre les
idées qui ont cours dans son village et son expérience vécue en France. Les
années passées à l’étranger lui ont permis de remettre en cause une série de
représentations parmi lesquelles celle qui considère les Français ou les
Européens (Irumiyn) comme des infidèles. L’Autre, en l’occurrence le chrétien,
ne peut jamais faire du bien selon les gens d’Akuban. Askwti est alors ballotté
entre deux façons de voir le monde. D’un côté, il est conscient de manquer de
courage qui le prive de dire du bien de Mougha, ce « Français, chrétien et
infidèle » qui lui a pourtant permis d’être riche. Il n’est en ce sens pas
différent des gens d’Akuban qui ne reconnaîtraient jamais un quelconque mérite
aux « chrétiens ». D’un autre côté, il évalue la souffrance subie en France
comme étant à mille lieues d’égaler celle endurée chez lui. De ce point de vue,
son passage en France lui permet de remettre en question toute une série de
préjugés même si dans le même temps il n’a jamais oublié avoir été exploité par
Bihi n tdwwart. Il n’en reste pas moins qu’il voit dans ce patron français et
chrétien, un homme honnête et juste qui paye régulièrement et sans retard ses
ouvriers oubliant que ce dernier ne l’a pas payé à plusieurs reprises.
Mais le contact avec l’autre, quelque soit la proximité de ses propres idées
avec les siennes, ne peut jamais annihiler les aspects les plus profonds de la
culture d’origine. La présence de Immi Merru, la sainte du village, illustre
parfaitement cette dimension. Depuis son plus jeune âge Askwti fut tout d’abord
élevé par sa mère puis par l’amie intime de sa mère, Lalla Bbus, dans le
respect le plus profond de ce que représentait pour elle la sainte. Pour les
habitants de toute la région, tout ce qui arrivait, de bien ou de mal, dans la
vie des gens d’Akuban se produisait grâce ou à cause de la volonté suprême
d’Immi Merru. Par exemple, le retour de France avec fortune d’Askwti ne pouvait
être qu’une récompense faite par Immi Merru à sa mère qui lui manifestait à
chaque instant son respect le plus profond et son amour le plus sincère. La
réalité de son existence n’a en l’occurrence pas beaucoup d’importance. Les
mythes produits autour d’elle suffisent par eux-mêmes à comprendre la place
privilégiée qu’occupe l’image de la sainte dans la vie de tous les habitants du
village. Le romancier nous dit à ce propos :
« Immi Merru est l’une des habitants
d’Akuban les plus célèbres. En
écoutant les gens parler d’elle, tu
vas croire qu’elle est toujours en vie.
En réalité, sa présence est plus forte
que celle des gens vivants ». ur[« Tga Immi Merru yat gh
tmzdaghin tikhatarin n tmurt n Ukuban,
ad tghalt is tmmut igh ar tsflidt i
middn ar tt-addrn. S tidt,
tddr uggwar
mad ddrn nttni »] (p. 25, ligne 10)
Askwti s’interrogeait souvent sur la réalité des pouvoirs supranaturels qu’on
prête à Immi Merru ce qui avait le don de provoquer la colère de sa mère. De
retour de France, il apprit que des inconnus avaient osé profaner la tombe de
la sainte pour y dérober le trésor qui y était enfoui. Immi Merru n’avait pu se
défendre. « Où sont ses pouvoirs magiques ? » s’était alors demandé Askwti. La
réponse apportée par Lalla Bbus qui considérait qu’Immi Merru changeait
d’identité selon les situations lui fit reprendre confiance. Cette fois ci,
elle s’est montrée aux voleurs comme une outre. Choqué par cet événement, Tarryalt
décida alors de reconstruire la tombe de la sainte du village de façon à ce
qu’elle puisse être vue de tous.
Des événements qui jalonnent de la sorte le roman pourraient être racontés à
l’envie tant le plaisir qu’ils procurent à la lecture de tout un chacun est
grand. Mais au-delà de la satisfaction qu’ont cherche dans la lecture d’un
chef-d’œuvre de littérature, il faut bien voir que «Ijjigen n tidi» se présente
à nous comme un roman à caractère socio-historique. Il retrace dans toute sa
complexité humaine l’histoire sociale, économique et politique de la région du
Souss depuis l’indépendance du Maroc jusqu’à nos jours. Les toponymes et les
noms réels des personnes nous donnent des repères historiques qui nous aident à
mieux comprendre le roman d’autant plus qu’ils résonnent dans notre quotidien
aujourd’hui. Par exemple, Aghnnaj qui est un nom connu dans la région est
encore porté aujourd’hui par des familles issues notamment de la région
d’Ihahan (entre Agadir et Essaouira). Ce nom qui réfère à un caïd notoire du
temps de la colonisation nous conduit aux temps du protectorat. En ce sens,
l’émergence de Mougha rappelle une période importante de l’histoire de la
région. Symbole de la pauvreté et de la précarité absolue, son arrivée au Maroc
est emblématique de la colonisation qui nourrira les aspirations puis les
déceptions de tout un peuple à l’indépendance. Plus proche de nous dans le
temps, Amanuz symbolise pour sa part les années du plomb qui rappellent combien
la lutte pour la liberté est un combat de tous les jours. Pour ne prendre qu’un
exemple, la famille Elmanouzi très connue dans la région a vu l’un de ses
membres opposant politique, disparaître durant les années noires au Maroc.
Encore aujourd’hui, elle demande que toute la vérité soit faite sur la
disparition de ce fils.
A partir du parcours d’un émigré amazigh de la région qui traverse plusieurs
périodes et se servant pour se faire de trois personnages qui ont existé
(Aghnnaj, Mougha, Amanuz), Mohammed Akunad a le mérite de nous offrir un roman
qui réécrit l’histoire du Souss avec un talent littéraire qu’il ne lui
appartient plus de prouver.
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1 A signaler que d’autres écrivains comme M.Bouzaggou (Tichri gh tama n
tasarrawt en 2001 et Jar u jar en 2004), E.Aboulkassem. Afulay ( Imula n tmktit
en 2002), A..Haddachi ( Memmis n ifessi d wawal en 2002) ou Ali Ikken (Asekkif
n inzaden en 2004) ont déjà publié des romans en amazigh.
2 Voir Afulay « Etrange position d’un clerc. A partir du roman en amazigh de
Mohammed Akunad », in http://www.mondeberbere.com.
3 Askwti, le premier pseudo donné au personnage principal de ce roman descris
essentielement sa petite taille. Askwti, en amazighe, fait référence à tous ce
qui est court. En revancge, tarryalt, est l'amazighisation, avec la prifixation
et la sufixation d'un "t", du nom réal, le nom d'une monnaie. Il fait
alusion à la richesse.
4 Ce personnage fait référence à Félix Mura, un entrepreneur français qui a
réellement existé. Après l’indépendance, il s’était rendu au Maroc pour
chercher de la main d’œuvre. Il recrutait essentiellement dans les régions
amazighophones, le Souss et le Moyen Atlas. Dans la mémoire populaire
marocaine, Mura est resté un des repères historiques de toute cette période ;
on dit « Azmz n Mugha» (l’époque de Mugha). De même, plusieurs chants amazighs
ont été produits pour traiter cette époque (Voir les travaux de Aziz Kich,
chercheur à l’Ircam).
5 Laz, avec un «z» emphatique siginifie la famine. On dit: « Ingha-yi laz » : «
J’ai faim ».
6 Le clerc du village, homme religieux qui s’occupe des taches religieuses (la
prière, les obsèques...) du village. Il assure aussi l’enseignement du Coran
aux petits enfants avant.